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"La Presqu'île Guérandaise"

par DESMARS 1869

PIRIAC

A l'extrémité du village de Saint-Sébastien se dresse, une chapelle à contreforts saillants, avec larmiers, engagés dans ses angles, à porte ogivale en voussoirs, et à chevet carré percé d'une baie à meneaux perpendiculaires.

Bientôt, après avoir laissé entre la route et la mer le village de Kervin et le château de Kerjean, on entre dans le bourg communal de Piriac.

Piriac occupe l'extrémité d'une pointe avancée et dangereuse : de là son nom primitif Pen Keriac devenu Pen-heriac, Pihyriac, Piriac enfin par corruption.

Ce bourg est cité dans une charte de 1081, par laquelle un habitant du lieu, nommé Kawaladrat, donne aux Bénédictins de Redon seize sillons de vigne.

Mais, longtemps avant cette époque, au milieu du IX éme siècle, Erispoé avait concédé aux même religieux tout un village Bronbudien, situé dans la même paroisse (in plebe Keriac), et plus tard Salomon confirma cette donation par un acte daté du palais Barech, le 8 juin 861.

Une autre pièce, faite à la même époque et au même lieu, nous apprend que les moines possédaient encore, en Penceriac, le village de Granbudgen avec toutes ses dépendances, terres, vignes et landes, cum omnibus adpendentiis suis tam terris quam vineis necnom et landes.

Une annotation, écrite en marge du manuscrit, ajoute au nom de Granbudgen le nom de Kaerwen que nous retrouverions dans le Kervin du cadastre actuel.

En 112, les vassaux de l'abbaye de Redon furent déchargés par Alain de la coutume appelée Taille (vulgo talliam vel incisionem), et une confirmation de ce privilège, faite par Conan, signée de nombreux témoins, Bricius, évêque de Nantes, Olivier de Dinan, Simon de la Roche, Guethenoe de Rieux, etc.; et datée à Redon dans la maison de Barbotin Blanches-Lèvres (Barbotinus. Albae-Gulae), où le duc Alain gisait malade, nous apprend que les moines possédaient alors, en Piriac, les villages de Bram (Grain), Terveres (Ternevé), Bron-Malin (?), Brendui (Brandu) et Guerven (Kervin).

Au XVIeme siècle, Piriac comptait beaucoup de calvinistes, et leur prêche était établi en 1563 dans l'église paroissiale.

L'année suivante, par lettres royales, les ports et hâvres de Piriac furent unis à la juridiction de Guérande.

En 1590, Piriac reçut une garnison de 4 500 Espagnols, destinés à maintenir ses habitants sous l'obéissance de Mercoeur.

Aujourd’hui, c'est un bourg, propret, fréquenté parfois par les baigneurs. Son petit port abrité par une jetée faite, dit Richer, aux frais de M. de Keroman, ne reçoit que des navires d'un faible tonnage.

C'est la patrie de Baron, pasteur Calviniste dont nous avons plus d'une fois rappelé le zèle actif au XVIeme siècle.

Ogée dit que cette localité renferme beaucoup d'antiquités, mais que le mauvais vouloir des habitants l'a empêché de les décrire. Cependant, de nos jours; l'archéologue a bien peu de chose à étudier dans le pays : quelques châteaux disparus ou oubliés, Kerjurion, Ballac, Bervelennec, Pucel, Campzillon enfin, depuis les temps les plus reculés, dépendait de la Roche-Bernard, lorsqu'elle fut donné en dot à Jeanne de Montfort-Laval, femme de Louis de Bourbon-Vendôme, habitation possédée par les Tournemine, et rasée en 1590 par les Espagnols de Mercoeur, en garnison à Piriac.

L'église de Piriac, régulière et à une seule nef, avec une abside en hémicycle très allongé, renferme de nombreux tableaux et de nombreuses statues, les plupart modernes. Près de ce monument, on peut voir quelques maisons curieuses, l'une d'elle à toit élevé, à corniche avec (...), flanquée sur l'un des angles d'une tourelle carrée à cul-de-lampe, une autre chargée d'un fronton et toit surmonté d'une tourelle quadrangulaire percée sur chaque face d'un oeil de bœuf et flanquée sur chaque angle d'un clocheton en poivrière.

Mais ce qu'il faut visiter à Piriac, ce sont les grottes de la côte et l'exploitation stannifère de Penharang.

Les grottes se trouvent à l'Est du bourg, au-dessous du Sémaphore, et autour de la pointe du Castelli. Sans avoir la sauvage majesté des grottes creusées par la mer aux flancs des îles Morbihannaises ou sur la côte de Crozon, elles sont curieuses, et lorsqu'on les visite, à mer basse, au milieu des rochers qui les entourent, aiguilles bizarres, obélisques renversées, qui rappellent l'écroulement d'édifices titanesques, on se souvient, ému malgré soi, des grottes de Fingal, si bien chantées par (....). Les plus belles sont le Trou-du-Moine-Fou, la Grotte à Madame et le Trou-du-Chat.

On dit qu'en avant de cette côte, au-delà des récifs que les lames vertes blanchissent de leur écume, s'élevait entre l'île Du Met et la pointe de Castelli une puissante ville maritime, engloutie par les flots : tradition populaire qu'on retrouve sur toutes nos côtes, d'Is à (...), et qu'à Piriac, du moins, nul document ne peut confirmer.

Une autre légende se rattache à un rocher curieux, que vous montreront sans peine les pêcheurs de berniques, et qu'on appelle tombeau d'Almanzor, elle parle d'un seigneur voisin, d'un sieur de Lauvergnac, surnommé Almanzor, et parti, à la suite de Saint-Louis et des croisés bretons de Mauclerc, pour guerroyer à l'infidèle. Le preux s'embarqua près de Piriac, et sa femme, la blonde Yseult, qui l'avait suivi jusqu'à la grève pour jeter son dernier adieu à la brise qui l'emportait loin du pays, revient chaque jour à la côte pour attendre son époux. Elle trouvait un abri contre l'ardeur brûlante du soleil dans cette grotte qui depuis lors, à cause de cette circonstance, on a nommée grotte à Madame.

Pendant six ans, elle y passa de longues heures, guettant sans cesse à l'horizon la blanche voile du croisé.

Un jour enfin, elle entend dire que les chevaliers rentrent de Palestine et qu'Almanzor, embarqué à Bordeaux, va bientôt, grâce au vent favorable, atteindre la côte de Piriac. Yseult court au rivage, elle attend jusqu'au soir; rien ne parait.

La nuit vient, la brise augmente; au vent qui souffle avec fureur se mêle bientôt l'orage, et sur la pointe où déferlent les lames énormes, Yseult, aveuglée par les éclairs, mouillée par les embruns du large, assourdie par les hurlements de la vague, attend toujours.

Enfin, la nuit s'en va, le jour renaît, la tempête se calme, le flot baisse, yseult regarde au loin sur la mer.

Pas un vaisseau, pas une voile qui lui apparaisse sur l'immense étendue de l'océan.

Mais sur le sable, à ses pieds, au milieu des épaves d'une barque brisée par la tourmente, elle aperçoit Almanzor étendu sur le sable et à qui nul parent n'avait fermé les yeux.

Auprès du rocher qui a gardé le poétique souvenir du preux croisé, on retrouve tout le prosaïsme de l'industrie moderne. Des puits à demi-comblés, des bâtiments inhabités, des cheminées noircies par la houille rappellent l'exploitation d'étain, abandonnée aujourd'hui.

Le filon stannifère de Penharang fut découvert en 1813 par un maire de Piriac, M. de la Guérande. Quelques échantillons furent envoyés à M.M. Athénas et Dubuisson, et ces deux savants, appelés dans la localité, reconnurent la présence de deux filons parallèles courant Est-Ouest et se rattachant à un troisième filon se dirigeant Nord-Sud. En 1817, M. Baillet, inspecteur divisionnaire des mines, étudia ce gisement et, y envoya deux géologues. En 1819, s'inspirant de leurs recherches, M.M. Juncker et Dufrénoy publièrent un rapport, dans lequel ils observaient que plus la roche était micacée, plus elle renfermait d'étain, et que ce minerai se trouvait à Penharang, dans les sables d'alluvion, et en place, par veines dans les roches surmicacées, par nids dans le quartz. Ils firent creuser quelques puits de sondage pour reconnaître la direction du filon qui, réellement, est sous-marin, et ils observèrent qu'avec l'étain se trouvait un peu d'or et de fer titané. Mais une exploitation a été tentée sans succès et aujourd'hui Penharang est complètement abandonné.

L'île Dumet dépend de la commune de Piriac; elle est située à 6 kilomètres Nord-Ouest du bourg et à environ une demi-lieue de circonférence; elle contient, dit l'ancien cadastre, 8 arpents 73 perches environ. Bordée de récifs, elle n'est abordable que par deux points. Port Manec au Nord, le Grand-Port au Sud. Sa position à l'entrée de la Vilaine, lui donne une certaine importance militaire : aussi au siècle dernier, elle a souvent servi de station aux flottes anglaises. Pour les repousser de ce mouillage, une garnison française occupa l'île, et un fort y fut construit en 1755 et porta le nom de fort de Ré. On voit encore les ruines de cette fortification, ainsi qu'une cave casematée qui a servi de poudrière.

C'est à Dumet que l'abbé Déric place le sanctuaire des femmes Samnites, reporté à Saillé par M. de Kersabiec. M. de Grandpré (Promenade au Croisic) parle aussi d'une Angélique croisicaise exilée par un Dandin jaloux dans cette île déserte, et rejointe avant la nuit par son clintandre, bravant, pour la revoir, comme les amoureux de (...), le perfide élément.

Aujourd'hui on ne voit plus sur ce rocher désert que quelques troupeaux; une source leur fournit de l'eau douce, et des pâtures salées leur donnent, en peu de temps un embonpoint surprenant.

"On ne peut se défendre dans cette île, dit Richer, d'une émotion involontaire et que produisent presque toujours sur nous les grands aspects de la nature. La solitude du lieu ajoute à la force de cette impression. La vue du continent dont on est séparé par une mer impétueuse, ces brisants prolongés en talus et dont les aspérités contrastent avec les contours à demi effacés des baies et des promontoires lointains, ces oiseaux de rivage qu'on observe de si près et qui semblent étonnés de voir leur demeure envahie, une foule de sensations inconnues vous plongent dans une rêverie profonde. Là, l'homme disparaît totalement, ou, s'il se fait apercevoir, s'il montre ses vaisseaux dont les voiles se distinguent à peine des écueils qu'elles franchissent, c'est pour déposer lui-même de sa propre faiblesse".

De ce rocher solitaire, on découvre un immense horizon. Le continent, comme un arc immense, s'arrondit de la pointe de Quiberon à la pointe du Croisic. La ligne des coteaux de Guérande se dessine au loin sur le ciel, et derrière la terre du Croisic, dont la falaise sombre est toujours entourée d'écume, on devine à leurs tours élevées, aux vaisseaux qui se dirigent vers la côte, Batz, Le Pouliguen, Saint-Nazaire. Toutes ces stations heureuses.


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